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Pharmacie / Hygiène

Éco-nettoyage : une tendance qui s’accélère


Publié le Mercredi 5 Juillet 2023 à 09:42

À l’instar des autres spécialités opérant en milieu de soins, les spécialistes de la prévention du risque infectieux prennent progressivement le virage du développement durable, cherchant à repenser les pratiques et les protocoles pour limiter leur impact sur l’environnement. C’est notamment le cas du bionettoyage des locaux, grand consommateur de substances chimiques nocives, qui évolue peu à peu vers l’éco-nettoyage.


À l’hôpital comme à l’EHPAD, l’entretien des locaux représente un préalable incontournable à la qualité de l’accueil et des prises en soins des patients et des résidents. Mais ce processus n’est pas sans impact environnemental, comme l’a rappelé l’Agence Régionale de Santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes en constituant il y a quelques années un groupe de travail, coordonné par le CPias régional et associant des représentants du CPias PACA, des hygiénistes des Hospices Civils de Lyon et des experts du CTTN-IREN, pour élaborer des recommandations visant à soutenir la mise en œuvre d’alternatives plus vertes : « Dans le cadre du bionettoyage, de nombreuses substances chimiques, nocives pour l’environnement, sont présentes et rejetées quotidiennement dans les effluents des établissements hospitaliers et sont agressives pour les utilisateurs ». Une situation d’autant plus problématique que « l’usage des produits utilisés pour l’entretien des locaux, notamment des détergents désinfectants, est directement lié à la résistance des bactéries aux antibiotiques ».

La désinfection des locaux n’est pas un passage obligé

La nécessité d’un usage raisonné de la chimie représentant plus que jamais un enjeu de santé publique, du moins dans les locaux où sa mise en œuvre est possible – c’est-à-dire hors zones à atmosphère contrôlée –, ces travaux ont ainsi mené, dès le mois d’août 2020, à la publication d’un Guide de l’éco-nettoyage - Généralités et secteurs de soins hors salles propres et environnement maîtrisés. Un document qui s’est rapidement révélé précieux dans un contexte où, après la première vague Covid, de nombreuses interrogations ont émergé sur l’impact environnemental des activités humaines, tous secteurs confondus. Les experts se sont notamment attelés à tordre le nez à quelques idées reçues, qui peuvent constituer autant de freins pour le passage vers un nettoyage sans chimie – parmi ces allégations erronées, citons par exemple « si ça sent bon, c’est que c’est propre », « augmenter la quantité de produit améliore la qualité du nettoyage », « les produits écologiques sont moins efficaces », « avec les produits écologiques, il faut frotter plus »

Une démarche salutaire, tant certaines pratiques sont ancrées dans les habitudes des agents d’entretien et de leurs encadrants. Le constat des auteurs est d’ailleurs sans appel : l’efficacité d’une désinfection de surface est en réalité « d’une durée très brève ». Tout au plus, son effet sur la « charge en bactéries cultivables ne dépasse pas les deux heures ». D’ailleurs, des « essais en situation réelle quotidienne ne montrent pas de différence durable entre les résultats obtenus par les désinfectants, et le nettoyage vapeur ou simplement par l’action des nouveaux textiles de nettoyage que sont les textiles microfibres sans utiliser de produit », rappellent-ils, posant ainsi les jalons d’une dynamique nouvelle, dont les établissements sanitaires et médico-sociaux sont désormais chaque jour plus nombreux à se saisir.

Des alternatives plus vertes

D’autant que les options ne manquent pas. Outre les nettoyants vapeur et les nouvelles générations de textiles microfibres au pouvoir de détersion mécanique élevé, le guide évoque également l’arrivée sur le marché d’appareils de nettoyage mieux adaptés aux milieux de soins, à l’instar des machines à disques ou brosses rotatives avec capacité de captage de l’eau souillée. Des alternatives sans chimie qui n’en restent pas moins efficaces « pour répondre aux besoins de sécurité et d’innocuité en milieu de soins ». Il peut toutefois arriver qu’un simple nettoyage ne soit pas suffisant, et qu’une désinfection soit également nécessaire en cas de présence avérée d’un micro-organisme pathogène, par exemple lorsqu’un patient ou un résident est « porteur de bactéries colonisant facilement l’environnement », comme cela est notamment le cas des entérobactéries.

Mais il existe là aussi des alternatives à la désinfection chimique. Le document attire ainsi l’attention des lecteurs sur la disponibilité de méthodes de désinfection sans contact qui, si elles n’ont pas vocation à remplacer le nettoyage manuel des locaux, peuvent apporter un niveau de sécurité supplémentaire en cas de risque important de transmission croisée – même si, une fois de plus et comme évoqué précédemment, « cette désinfection n’est que momentanée ». L’efficacité et l’innocuité de certains procédés automatisés par voie aérienne (désinfection des surfaces par voie aérienne, ou DSVA) basés sur des systèmes de traitement physicochimique de l’eau, ou par l’émission de rayonnement ultraviolet-C (UV-C), ont notamment été montrées par la littérature et pourraient constituer une piste pour pouvoir désinfecter l’environnement lorsque la situation l’exige.

Les biotechnologies à la rescousse ?

Enfin, les auteurs mentionnent l’existence de détergents d’origine biosourcés, en particulier ceux tirés de cultures de micro-organismes et qualifiés de probiotiques. Offrant « une meilleure efficacité à concentration égale, [une] totale biodégradabilité et [une] excellente tolérance », ils semblent aussi apporter « une diminution des infections nosocomiales et du taux de portage des bactéries multirésistantes dans les hôpitaux où ils sont utilisés pour l’entretien des locaux ». Avec, à la clé, un réel changement de paradigme : « on ne lutte plus pour tuer les microbes, on les met en compétition à l’avantage des ‘bonnes bactéries’ ». Pour aller plus loin, ces dernières pourraient en outre être associées à des virus bactériophages pour un résultat « permanent », une méthode pratiquée dans certains hôpitaux canadiens depuis près de deux décennies, « sans effet indésirable rapporté ». L’Italie a à son tour sauté le pas il y a quelques années. Et bientôt la France ?

- Pour aller plus loin : https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/faire-evoluer-le-bio-nettoyage-vers-leco-nettoyage

Article publié dans le numéro de juin d'Ehpadia à consulter ici